vendredi 3 mars 2017

BD NEWS - 11 - JOHN BROADLEY



Ce texte est la version ( Longue ) originale avant re-liftage de mes vénérés rédac'chefs de BD NEWS, une gazette au ton décalée qui est incluse dans Fluide glacial et qui est dirigé par Cizo & Felder.

Cette collaboration est ma dernière publication dans Bd news qui se déleste de la partie culturelle. Dommage !



John Broadley est un illustrateur anglais né en 1969. Il s‘est fait connaître grâce a des petits livre de dessins fait maisons et un série de strips nonsensiques Wild for adventures parus dans différents supports underground. Depuis il a acquis une certaine reconnaissance. Son style et une relecture inspirée de tout un pan de l’illustration anglaise.

Tu as commencé comme illustrateur. Tu faisais des boulots de commande. Mais je crois que tu n’étais pas heureux avec ce statut, pourquoi ?

Ça été très dur pour moi de trouver du travail, et quand j’ai réussi à en avoir j’ai commencé a perdre le style que j’avais à l’école. Je faisais beaucoup d’effort pour que mon dessin plaise aux directeurs artistiques ? J’ai finit par faire des images auquel je ne croyais pas et qui n’étaient pas bonnes dans l’absolu. Plus je travaillais comme ça et plus j’avais l’impression d’être dans une spirale infernale. C’était de pire en pire. Je faisais des illustrations pour des magazines pour adolescentes ou pour des brochures pour des municipalités.

Tu as pris un boulot sans rapport avec le dessin et tu as décidé de dessiner pour le plaisir uniquement. Comment est-tu arrivé à cette décision ?

En 1996 J’ai voulu rentrer à la St martin School. (1) J’ai eu un entretien très constructif avec un professeur. Il était d’accord pour dire que mon travail commercial était sans intérêt. Mais il était très enthousiaste sur une série de dessin que je venais de faire. J’ai réussi à avoir une place, mais à la dernière minute j’ai décidé de ne pas m’inscrire, de faire un break et j’ai pris un job.

Tu as décidé à un moment de faire des livres à la main pour présenter tes dessins. Juste quelques exemplaires à chaque fois. Pourquoi cet artisanat ?

Il faut tout remettre dans le contexte de l’époque et comprendre qu’après cinq années passées hors de l’écolen, avoir un boulot bien payé a été un énorme soulagement. J’ai soudainement eu envie dessiner pour le plaisir. Je repartais de rien. Année Zéro. Faire des livres à partir de mes dessins était d’abord un moyen de les rassembler. Puis c était aussi la preuve que je n'étais pas obligé de faire des dessins qui servait juste à illustrer le texte de quelqu’un d’autre. Que ses dessins se suffisaient à eux même. Je faisais de petites quantités parce que je réalisais les livres moi même entièrement à la main. Même la reliure et la couverture en carton. Je les faisais comme ça parce que je voulais que ça ait une meilleure allure que de simples fanzines photocopiés.

Les années suivantes je faisais faire les photocopies dans un magasin. Je voulais acheter ma propre photocopieuse et utiliser deux couleurs. Il n’y avait pas beaucoup de débouché pour mes livres donc c’était pas nécessaire d’en faire beaucoup Je n’avais pas d’ordinateur et c’était avant internet. Je faisais complètement dans mon coin.

Pas mal d’années après, tu refait des boulots de commandes. Pourquoi c’est différent maintenant ?

J’ai fait des livres pendant 15 ans sans qu’il se passe grand chose à part un livre avec le dernier cri (2) et un débouché inattendu avec la boutique de Picture box (3) à New york qui revendait mes livres. Après avoir participé à un concours de bd dans un journal anglais on m’a proposé de publier un livre sur mes livres (4).

Le contact soudain avec le succès commercial m’a amené différents contacts comme cette commande du restaurant Quo Vadis, qui m’a emmené encore d’autres commandes. Mais j’ai pas vraiment fait d’effort pour essayer de trouver du travail. Quand je l’ai fait, j’ai plutôt pas eu de réponse. Mais le travail arrive de différents endroits ces dernières années. Je sens que j’ai atteins un certain point ou je dois décider ce que je veux faire dans le futur et faire des efforts pour aller dans ce sens, mais je ne sais pas ce que ça va être. J’ai aimé faire des commande qui présentait des challenge pour moi, mais j’aime aussi continuer a faire mes petits livres et mes bd, qui sont publiées régulièrement dans Smoke signal (5)

Est-ce que tu peux parler de tes influences anglaises, des illustrateurs comme Eric Ravilious est Edward Bawden ?

Ils faisait parti d’une groupe d’artiste et de designer qui ont émergé dans l’entre deux guerres au Royal College of Art. C’était à une époque ou l’art moderne avait une influence importante sur les arts appliqués, comme jamais avant ou aprés. Pour parler en particulier de Bawden et Ravilious et d’autres artistes qui ne sont pas dans ce groupe mais important comme Eric Fraser. J’ai été influencé par la manière qu’ils ont de traduire les formes naturelles en éléments décoratifs. Particulièrement Bawden qui prenait des éléments dans l’illustration britannique antérieur et qu’il simplifiait pour le rendre plus attrayant pour un public modern.

De manière générale j’ai l’impression que tu aimes les images anciennes, traditionnelles ou vernaculaires. Mais ton style contient aussi de traces d’une approche underground. Est-ce qu’on pourrait définir ton style, en simplifiant, comme un pont entre ses deux cultures ?

J’aime pensé qu’il y a un lien entre les différentes époques si tu regarde certains chose ; copier-coller des images anciennes pour créer de nouvelles situations permet d’extraire des idées et un style qui a l’air nouveau mais qui en même temps semble familier. Il y a des similitudes par exemple entre une page de pub d’un journal de l’ère victorienne et un fanzine de collage des années 80. Les deux ont des limitations. Au 19ème siècle il était contraint par les technologies existante, alors que le fanzineux lui est limité financièrement ou parce qu’il n’a accès que a une photocopieuse. Maintenant on a accès à toutes sortes de technologie mais ça nous mène a avoir trop de choix. Je préfère imiter les options et travailler à la main avec juste des collages.

Tu aimes mélanger différents éléments de différentes époques, différents styles, parfois un personnage réaliste côtoie un autre qui est dans un style plus naïf. Tu n’aimes pas rester dans le même registre de dessin. Pourquoi ?

Non, c’est vrai. Je ne me sens pas obligé à travailler dans un seul style comme si je faisait une image pour séduire des gens et attirer des clients. Pour le moment je suis content d’être capable de sauter d’un style à l’autre. Mais je sais aussi parfois me limiter, comme dans les illustrations que j’ai fais récemment pour The Illustrated Story of England, un gros livre chez Phaidon ou il fallait que je respecte une certaine véracité. Ou le travail pour Fine Cheese Co qui devait être uniforme au niveau du style. Mais comme je fais toujours mes livres et mes bd sans aucune contrainte, Je sais que j’ai le loisir d’expérimenter comme je veux.

Comment tu proccède quand tu dessine ? Est-ce que c’est un peu comme du collage ? Ta manière ce composer les images ressemble à ça.

Quand je travail avec un brief je fais des crayonnés que je reprends à la table lumineuse pour finaliser. Si je dessine pour mes bd ou pour mes livres, je dessine et je vois ce qui se passe. Pas de crayonnés. Je dessine très vite, mais je passe beaucoup de temps a chercher des documents qui me servent de source d’inspiration : Photographies, vieilles gravurse, matériel pour mes collages. Je commence par choisir une image au hasard et je la dessine mais je m’autorise à la transformer dans le sens qui m’arrange. Quand j’ai commencé je trouve un rythme et je coller des petits éléments puis je rajoute du contraste dans les lignes jusqu’à je pense que ce soit fini. Pour les strips, j’ai un carnet de note avec des phrases trouvées et la dernière étape c’est de trouver une phrase qui colle le mieux avec le dessin que je viens de faire.

Dans tes images tu gardes un coté brut de décoffrage. J’ai l’impression que tu veux que que tes images ne soient ni trop jolie, ni trop bien faite ?

C’est bizarre à dire, mais je compare le dessin avec la musique. Dans un documentaire sur Captain Beffheart, Matt Groening dit à propose de Trout Mask replica (6) «  Ca sonne affreux, mais il voulait que ça sonne comme ça. » Je pense que les dessins peuvent projeter une certaine attitude de la même manière J'essaie d'équilibrer certains éléments brut avec des parties plus tendrement dessinées, ou des lignes précises extraites des diagrammes ou de trames Letraset.

Tu semble avoir un intérêt particulier pour les costumes anciens. Est-ce tu prends du plaisir a les dessiner ?

Je trouve ça dur de dessiner les vêtements modernes sur des personnages car ainsi ils peuvent sembler informe. Alors que les costumes aide à définir des formes et me donne l’occasion de créer poser de textures que j’ai trouvé.

Tu peux expliquer ton interêt pour les motifs et autres éléments décoratifs dans te dessins ?

Pour en revenir au sujet des lignes brutes, je pense qu'il faut qu'il y ait un certain équilibre dans un dessin et qu'une ligne relâchée peut être contenue si l'on colle contre elle quelque chose de plus précis. Ou bien des coups de pinceaux aléatoires placé à côté d'un motif uniforme. J'applique généralement les collages en découpant des formes avec des ciseaux ou un cutter, plutôt qu'avec Photoshop, parce que j'aime que cette approche donne au travail un côté plus rugueux, moins "lisse"

Quelle importance tu donne à la typographie dans ton travail ?

Comme j’ai pas de prédisposition particulière en graphisme. J’utilise des typos indémodables ou qui ont l’air un peu raté. Je pars d’un style assez gras que je combine avec des letraset et des lettres dessinées à la main. J’alterne collage et fait main dans un même mot. J’aime aussi combiner typo moderne et des polices au style british rétro qui font écho à mon travail. Et je peux aussi utiliser un typo moderne par dessus une scène ouvertement historique.

Est-ce que tu t’intéresses au dessin des enfants ?

Non pas spécialement, mais j’ai des collections de livre pour enfant anciens.

Est-ce que tu peux me parler de la manière dont tu fais tes bd ? Il me semble que tu t’intéresse assez peu au sens. Tu sembles même vouloir éviter la narration. Qu’est que tu essaye de créer avec cette manière atypique de raconter ?

Ça fait maintenant presque vingt ans que j’ai commencé à faire des strips et maintenant je ressens les choses différemment de l’époque ou j’ai commencé. Ma raison de départ pour utiliser le format strips c’était d’avoir des cadres dans lequel mettre les dessins que j’avais fait pour mes livres. Je trouvais que les livres contenaient des compositions un peu trop aléatoires et je voulais une présentation plus uniforme. J’ai décidé que la narration n’était pas importante car à mon job dans un entreprise de surveillance de presse je voyais défiler des tas de strip dans le journaux, mais comme je pouvais pas suivre les histoires jour après jour les 3 cases que je voyait me paraissait abstraites. Je pensais que le lecture ne ferait aucune différence, même si il n’y avait aucun sens qui pouvait être tiré de mes trips. En progressant j’ai essayé de créer une sorte de rythme ou le lecteurs serait constamment bombarder par de sujets différents créant des contraste permanent entre chaque case. J’ai essaye à l’occasion de faire quelques bd narratives, mais sans succès à mon avis. Dans mes trips récents je suis plus content de la relation entre texte et images. Je sens que je me rapproche de ce que je cherche à savoir établir une tension entre les deux. Je ne sais pas comment les lecteurs appréhendent ses strips. Moi, je ne m’assied pas et je ne lit pas du début à la fin. J’ai tendance à feuilleter et regarder une case à la fois. Mon dernier livre pour le dernier cri consiste en une seul case par page, mais les dessins originaux sont issus de cases de strips.

Tu as publié plusieurs livres au dernier cri? Tu peux expliquer ta collaboration avec cet éditeur.

A la fin des années 90 j’ai lu un article sur Pakito Bolino, le cerveau du dernier cri, dans Raw vision (7) Il disait qu’il imprimait le travail envoyé par des gens. Je lui ai poste un livre de Wild for adventure comics. Quelques semaines après j’ai reçu un paquet avec des livre du dernier cri et un mot qui disais « Tu fais un livre, envoie moi des strips » Donc sans plus de concertations je lui ai envoyé mes strips qui me sont revenu sous forme d’un livre un ou deux mois après. Depuis quand j’ai l’envie de faire un truc je lui envoie et après comme par magie un livre apparaît. Je ne sais pas comment il font - Ils sont capables de produire ces œuvres d'art si rapidement et avec une telle abondance. Ils découvrent toujours de nouveaux artistes et de gens auquel vous ne vous attendez pas. Ils sont incroyables.

Notes

1 - Prestigieuse école d’art à Londres

2 - Wild for adventure - Un recueil de strip en l’an 2000 - 96 Pages - 250 ex
Une production passée inaperçue. http://www.graphzines.net/livres/artbooks/wild-for-adventure.html

3 - éditeur actif de 2000 à 2014. Un des fleurons de l’édition graphique aux états unis
http://www.pictureboxinc.com

John a depuis sorti 3 autres livres chez le dernier cri
- Wild for adventure Maxi édition

4 – John BRoadley’s Books - 2010 - Jonathan Cape

5 - Journal gratuit édité par Desert Island une librairie de bd à Brooklyn

6 - Le plus célèbre album du groupe. Un disque totalement culte.

7 - Revue américaine dédié à l’Art Outsider

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