mardi 24 février 2015

PANORAMA BD — 2 / 6 — ÉDITIONS MATIÈRE

Cet éditeur est un des plus singuliers et un des plus intéressant du paysage de l'édition Bd/dessins Française. J'ai eu envie de savoir quelques livres qu'ils ont aimé dans la production récente. Leur sélection part un peu dans tout les sens entre fanzines pointus et classiques ultra-reconnus. Un grand écart qui me réjouit beaucoup.

J'ai récemment enregistré une émission avec eux sur un de leur dernier livre Prokon.
Je vous engage à écouter : Le podcast par ici

matiere.org

- - -











LAGON 
— Revue de bande-dessinée
2014 – France – éditée par S. Bascouert, A. Beauclair, B.Henni & S.Stein – Risographie 15 couleurs + couverture sérigraphiée – 334 pages - 300 ex. – 33 euros

Les dessinateurs Alexis Beauclair et Sammy Stein ont fait connaissance au festival d’Angoulême 2014. Quelques heures à peine après s’être rencontrés naissait le projet fou de Lagon : rassembler à l’occasion d’un volume très dense le maximum d’auteurs dont ils admirent, aiment ou apprécient le travail, et les unir sous les couleurs veloutées, sous les trames frémissantes de l’impression risographique, au moyen d’une production/fabrication rigoureuse. Grâce au savoir-faire de l’atelier Papier machine et au talent de coloriste d’Alexis Beauclair, ce qui aurait pu n’être qu’une publication de plus dans un air du temps saturé de risographie s’est affirmé dès sa sortie comme l’acmé du genre. Le geste éditorial et la technicité, en tout point impeccables, ont en outre la générosité de ne pas masquer la singularité (toujours) et l’excellence (souvent) des contributions — dont les moindres ne sont pas celles des éditeurs eux-mêmes.

lagonrevue.com

- - - -











THROWING STONES de Stefanie Leinhos
2013 – Allemagne – Auto-édité – marqueur sur papier Galaxi Keramik – 32 pages – production à la demande – 10 euros

L’ouvrage Throwing stones est un ouvrage programmatique que Stefanie Leinhos décrit ainsi : « Parfois, il n’y a pas de meilleur moyen de reproduction que de simplement répéter quelque chose. Throwing stones est produit sur commande, ce qui signifie qu’il est uniquement produit lorsque quelqu’un en fait la demande. Si vous commandez Throwing stones, je découperais le papier au format, le relierais en livret et y ferais les dessins. Ainsi, vous posséderez un exemplaire authentiquement personnel. Il ne s’agit pas d’exclusivité, mais de moyens de reproduction différents, et aussi de voir comment ce processus affecte des termes tels que “copie” et “original”, “signature” et “multiple”. »
On le voit, Throwing stones est à la fois le plus sophistiqué et le plus simple des récits de bande dessinée (il met en scène un échange basique et brutal, une guerre infantile). Le parcourir revient à cheminer sur une ligne de crête (minimaliste) dont les versants (massifs) se nomment tour à tour narration et description, concept et spontanéité, distance et sensibilité, répétition et invention, agressivité et tendresse, etc. Throwing stones est un livre d’aventure.

stefanie-leinhos.de

- - - -






KRAZY KAT 
(vol. 3 — 1935-1939) de George Herriman
2014 – France – Les Rêveurs – offset couleur – 272 pages – 38 euros

C’est entendu depuis longtemps : Krazy Kat est l’un des premiers et des plus parfaits jalons de la bande dessinée. C’est entendu oui, mais pendant longtemps ce n’était tout simplement pas vu, pas possible à voir, les strips originaux de ce chef d’œuvre d’art populaire ayant pour la plupart fini avec épluchures et écailles dans les poubelles américaines du XXe siècle. La réédition des aventures du chat Krazy, de la souris Ignatz et du chien-flikard Sergent Pupp au pays de Coconino — dessinées par George Herriman de 1910 à 1944, parcourues distraitement par quelques millions de Yankees, lues intensément par Pablo Picasso, Gertrud Stein et une poignée de dadaïstes — figurait en tête du programme de publication inaugural des Éditions Matière, en 2004. À l’époque, les volumes de la réédition Futuropolis avaient déjà disparu des bacs des soldeurs. Ce sont finalement les éditions Les Rêveurs qui se sont attelées à l’énorme tâche de rééditer (une partie de) cette œuvre géniale. Grâce à elle, les Français peuvent enfin crier « Coconino ! » et se dire, en se frottant l’arrière du crâne, qu’une brique en définitive c’est pas rien. Merci Les Rêveurs.

editionslesreveurs.com

- - - -















HETA-UMA - exposition
2014-2015 – Sète (France) – commissariat : Pakito Bolino & Nakayama Ayumi

L’exposition de loin la plus stimulante, la plus riche, la moins convenue de l’année 2014 a eu lieu dans la ville de Sète, à l’excellent Musée international des arts modestes (MIAM). Sous-titrée « 40 ans d’avant-garde graphique japonais », elle réunissait un nombre tout bonnement ahurissant d’artistes et d’œuvres rattachés plus ou moins fermement au courant artistique heta-uma (« mal fait / bien fait »), pour la plupart d’entre eux jamais vus en France, et même jamais présentés ensemble au Japon. Le travail de collecte et d’accrochage, impressionnant, permettait de découvrir pêle-mêle mais distinctement installations, sculptures, jouets, dessins (Giro, Yoshikazu Ebisu, Suehiro Maruo…), peintures (Ichasu, Hideyasu Moto…), calicots (Kyoichi Tsuzuki), vêtements (Keichi Tanaami), vidéos, posters et collages (King Terry Johnson), photos, fanzines, etc. dans des conditions optimales de proximité physique et d’immersion esthétique.

miam.org

Plus de photos içi et .

- - - -











HOKUSAI MANGA de Hokusai (3 volumes )
2014 – Japon – Seigensha – offset bichromie – 348 pages – 1500 yens

Comment se fait-il qu’il soit si difficile de se procurer une édition convenable des carnets réunis sous le titre Hokusai manga, qui ont pourtant fait la réputation du dessinateur japonais, et garanti la postérité du terme « manga » ? Sans doute en est-il allé pour ces carnets comme pour bien d’autres œuvres peu à peu écrasées et effacées derrière la patrimonialisation et la pompe réservées à leurs illustres créateurs. À leur création, ces recueils de formes gravés sur bois n’avaient pourtant d’autre ambition que de circuler et de passer de main en main afin de servir de modèle à d’autres dessinateurs et graveurs. La récente exposition des travaux d’Hokusai au Grand Palais permettait de se rendre compte que ces carnets étaient imprimés avec rapidité et simplicité, sans souci de perfection technique. Il s’agissait avant tout d’obtenir un grand nombre de copies qu’on pourrait vendre à bon prix. L’éditeur japonais Seigensha vient enfin de trouver la forme juste pour les rééditer : ses trois volumes ne cherchent nullement à reproduire à grand frais les défauts originels des volumes du début du XIXe siècle. À vrai dire, ils n’en respectent pas même le format initial : préférant être à fidèle à l’économie de moyens et d’usage de Hokusai manga, Seigensha offre trois volumes au format industriel propre au livre de poche japonais contemporain, adopte un papier standard et reproduit avec les moyens actuels de l’imprimerie ces (anti-) beaux livres qu’il met en vente à un peu plus de 10 euros. Ce qu’on appelle publier.

www.seigensha.com

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire